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Actualité, posté le jeudi 12 mars 2020

Prevoyance

PREVOYANCE




La souscription d'un contrat de prévoyance visant à assurer la couverture des salariés s'accompagne d'importantes obligations en matière d'information à la charge de l'employeur, dont il n'a pas toujours conscience. 

À défaut d'informer correctement ses salariés, l'employeur qui souscrit un contrat de prévoyance engage sa responsabilité. Relativement sévère à son encontre, la jurisprudence montre, cependant, une évolution concernant la sanction du défaut d'information. Par ailleurs, de manière directe ou par ricochet, l'organisme assureur du régime peut également voir sa responsabilité engagée pour défaut d'information.

 L'obligation renforcée de l'employeur souscripteur 
L'article 12 de la loi « Évin » du 31 décembre 1989 constitue le fondement de l'obligation d'information mise à la charge de l'employeur. Il prévoit que ce dernier, en tant que souscripteur, est tenu de remettre au salarié une notice d'information détaillée qui définit, notamment, les garanties prévues par la convention ou le contrat et leurs modalités d'application. De même, l'employeur doit informer préalablement par écrit de toute réduction des garanties. Ces principes ont été déclinés dans des dispositions spécifiques à chacun des trois organismes susceptibles de couvrir le groupe : article L. 141-4 du code des assurances pour les sociétés d'assurances, L. 932-6 du code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance et L. 221-6 du code de la mutualité pour les mutuelles. L'employeur souscripteur doit être attentif à se ménager la preuve qu'il a bien remis aux salariés assurés la notice d'information, car c'est sur lui que pèse la charge de la preuve de cette remise. Les obligations mises à la charge de l'employeur sont loin d'être des obligations de pure forme, alors même qu'en matière de couverture assurantielle, l'employeur peut être qualifié de profane. La Cour de cassation juge que l'obligation d'information qui pèse sur l'employeur ne peut être satisfaite par la simple mise à disposition de la notice (Cass. soc., 20 mai 2009, n° 07-43207). Bien au contraire, selon la Haute Cour, « le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe a le devoir de faire connaître de façon très précise à l'adhérent les droits et obligations qui sont les siens » (notamment Cass. soc., 24 novembre 1992, n° 89-41072 ; Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 01-46617 ; Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-45.329). De là découle naturellement la mise en cause de la responsabilité de l'employeur lorsqu'il manque à son obligation d'information. Ainsi, l'employeur souscripteur est responsable des conséquences qui s'attachent à une information incomplète ou inexacte ayant induit en erreur le salarié assuré sur la nature, l'étendue ou le point de départ de ses droits, à un moment utile (Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 01-46617 ; Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-44361 ; Cass. soc., 17 mars 2010, n° 98-45329). Certains arrêts semblent même aller plus loin en mentionnant que l'employeur souscripteur d'un contrat de groupe est également tenu à une obligation de conseil envers ses salariés (Cass. soc., 16 avril 2008, précité ; Cass. soc., 20 mai 2009, n° 07-42.424 ; Cass. soc., 17 mars 2010, précité). Cette position apparaît excessive, car, dans la grande majorité des cas, l'employeur souscripteur ne dispose pas des compétences nécessaires pour conseiller utilement ses salariés sur le contenu et l'étendue des garanties prévues par le contrat de groupe.

 L'évaluation du préjudice en cas de manquement 
Lorsque l'employeur souscripteur manque à son obligation d'information, sa responsabilité est susceptible d'être engagée. Dans ce cas, la jurisprudence considère qu'il doit indemniser le salarié du préjudice résultant pour lui de l'absence d'une garantie dont il croyait pouvoir légitimement bénéficier (Cass. soc., 13 mai 2009, n° 04-44311). Comment évaluer ce préjudice subi dans le cas d'un manquement à l'obligation d'information ? Le montant des dommages-intérêts alloués au salarié est en principe apprécié souverainement par les juges du fond. Cependant, il était courant que ces derniers, approuvés par la Cour de cassation, octroient aux salariés l'équivalent du montant de la garantie perdue du fait du manquement de l'employeur à son obligation d'information (Cass. soc., 29 novembre 2000, n° 99-46133 ; Cass. soc., 27 mars 2001, n° 98-42227 ; Cass. soc, 14 novembre 2007, n° 06-14553). Dans un arrêt récent publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation modifie cette position (Cass. soc., 18 mai 2011, n° 09-42741). Ainsi, pour la première fois, la Cour affirme que le préjudice subi par le salarié est constitué par une perte de chance de souscrire à titre individuel un contrat de prévoyance lui procurant une couverture comparable à celle dont il bénéficiait antérieurement. Cette position avait été annoncée dans deux arrêts précédents (Cass. soc., 17 mars 2010 précité, et Civ. 2e, 7 avril 2011, n° 10-13544). La vraie nouveauté réside dans la méthode d'évaluation du préjudice que la Haute Cour pose en principe : « La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. » Il s'agit d'une analyse classique en droit civil (voir, notamment, Cass., 1re civ., 16 juillet 1998, n° 96-15380), mais inédite dans la matière qui nous occupe. Il en résulte que les employeurs souscripteurs manquant à leur obligation d'information ne devraient plus être condamnés au versement des prestations perdues.

 Les obligations des assureurs
 Face à cette jurisprudence croissante concernant la responsabilité des employeurs souscripteurs, les organismes assureurs pourraient également voir les actions mettant en cause leur responsabilité augmenter, car ils sont eux aussi débiteurs d'une obligation d'information et de conseil vis-à-vis des souscripteurs. S'il incombe à l'employeur souscripteur de remettre la notice d'information aux salariés, il revient à l'organisme assureur l'obligation de rédiger cette notice et de l'adresser à l'employeur. Cette dernière doit être détaillée et résumer fidèlement les stipulations du contrat de groupe, en définissant ses modalités de mise en oeuvre. En effet, si le contenu de la notice n'est pas conforme au contrat passé avec l'organisme assureur, le salarié peut se prévaloir vis-à-vis de ce dernier des dispositions qui lui sont le plus favorables (lire, notamment, Cass., 1re civ., 14 janvier 1992, n° 89-14636 ; Cass., 1re civ., 26 novembre 1996, n° 94-20690 ; Cass., 1re civ., 12 janvier 1999, n° 96-14022). Par ailleurs, la responsabilité de l'assureur est également engagée lorsqu'il n'a pas remis la notice d'information à l'employeur souscripteur au moment de la conclusion du contrat et en cas de modification ultérieure de celui-ci. En dernier lieu, en vertu de leur obligation de conseil et compte tenu de la jurisprudence évoquée précédemment concernant la responsabilité des employeurs souscripteurs, les organismes assureurs doivent alerter leurs cocontractants employeurs des obligations qui leur incombent en matière d'information des salariés, et cela tout au long de la vie de la couverture.